• Tin-Ki

    Et voila le texte que j'ai rédigé pour concours de Plume Imag'in Air sur le thème de la mer et des océan.

     


     Tin-Ki

     

                Je n’étais qu’un jeune homme, mousse, sur l’Étoile du soir, bâtiment mandaté par le roi Louis XV pour découvrir et explorer les îles du Pacifique, lorsque cette étrange aventure changea ma vie.

    Quel âge avais-je à l’époque ? Seize ans ? Dix-sept peut-être… J’ignore ma date de naissance. Je vie le jour dans une mansarde de Nantes énième rejeton d’une pauvre fille mariée trop jeune et d’un alcoolique violent. Mes parents n’ont jamais pu nous élever, mes frères et sœurs et moi. Ma mère, écrasée par les coups et les grossesses, ne bougeait que peu du lit, tandis que mon père s’enivrait dans les tavernes du port, à dépenser le peu d’argent qu'il gagnait.   

    Alors dès que j’ai pu, j’ai fui cette misère humaine en me faisant engager sur un navire à destination du bout du monde. Je n’étais pas très costaud pour mon âge à cause des diverses carences. Mais ma robustesse plut au second de l’Étoile du soir qui me prit à son bord.

    Être mousse sur un tel bâtiment, avec des marins aguerris aux voyages, n’est pas une promenade de santé. Les tâches les plus ingrates, comme vider les pots de chambre, c’est pour vous. Il faut aussi ajouter les brimades des autres membres de l’équipage. J’ai de peu échappé à mon « baptême » grâce à l’aide du second. Ce dernier de pouvait tolérer que ses hommes se livrent à la pédérastie sur le navire. Aujourd’hui, je lui suis reconnaissais. Mais j’avoue ne plus me souvenir de son nom.

     

                Après des mois de voyage et de nombreuses escales, qui émerveillaient mes yeux et mes sens, nous fûmes pris dans une épouvantable tempête. Jamais de toute ma vie, je n’avais rien vu de pareil, même dans mes pires cauchemars. Sur le pont, les hommes courant dans tous les sens. Mais pour être honnête, je ne me souviens plus de ce qui s’est passé. Je crois qu’une gigantesque vague a heurté le navire et m’a précipitée contre le sol. Puis j’ai perdu connaissance.

     

    Je suis revenu à moi le lendemain matin, il me semble. Le soleil brillait haut dans le ciel et c’est sa douce chaleur qui m’a tiré de mon inconscience. J’étais étendu sur une plage de sable blanc. Les vagues venaient recouvrir mon corps endolori les unes après les autres. Autour de moi, des restes d’Étoile du soir jonchaient la plage : morceaux de voiles, caisses éventrées, lattes de bois. Il y avait aussi des hommes. Morts. D’autres vivants, parcourait fouaillaient les débris à la recherche de survivants ou d’objets utiles.

    Me voir vivant parut ravir les marins sains et saufs. Chaque rescapé était une victoire, chaque décès était une défaite. Mais nous n’étions pas nombreux à être encore en vie. Moins d’une quinzaine. Quelques blessés n’allaient probablement pas passer la nuit. L’envoyé du roi, un homme que je n’avais jamais vu, avait été emporté par la tempête. Notre capitaine, lui, avait survécu, mais était mal en point. C’était un vieil homme.

    L’Étoile du soir s’était échouée sur un récif, au large de l’île. On pouvait voir la coque éventrée, les mâts brisés. L’image de cette épave, qui aurait pu être ma tombe, me marqua à jamais. J’avais énormément de peine. Quand on vit pendant des mois sur un navire, on finit par le prendre pour une personne à part entière, dont la figure de prou est sa représentation.

    L’île sur laquelle nous nous trouvions était immense ! Cependant, personne ne semblait la connaitre. Elle n’apparaissait sur aucune carte. Même si la tempête nous avait fait dévirer, nous n’avions pas pu être déportés aussi loin que notre cap original. La plage blanche s’étendait sur des kilomètres. Un petit groupe prit la décision de la longer pour l’explorer. C’est ainsi qu’ils découvrirent les autochtones. Fort heureusement pour nous, ils furent aimables et accueillants. Cependant, leur aspect physique perturba bon nombre de marins : ils étaient tous blancs, blonds (ou châtains clairs) et aux yeux bleus.

    Au début, nous pensâmes qu’il s’agissait d’Européens dont le bateau s’était également échoué, des déserteurs ou des prisonniers débarqués sur place. Mais très vite, ces hypothèses furent écartées. Il nous fut impossible de communiquer avec eux : les indigènes de comprenaient aucune langue européenne. Français, anglais, espagnol. Un des survivants, suédois de naissance, nous confirma que nos étranges hôtes ne parlaient aucune langue de Scandinavie.

    Ils vivaient dans des cahutes de bois dans une petite clairière dans la forêt qui bordait la plage. Les autochtones étaient tous très sympathiques. Ils nous offrirent leur aide sans la moindre peur. Un marin nous mit en garde. Durant l’un de ces précédents voyages, il avait vu des sauvages agir de la même manière avant de dévorer leurs malheureux invités. Mais la chance était avec nous, car ces indigènes n’étaient pas des anthropophages.

    Hormis leurs aspects européens, un seul autre détail les différenciant des autres tribus des îles. Ils étaient dirigés par une femme. Et nous comprirent très vite que nous ne devions pas manquer de respect à toutes celles appartenant au sexe dit faible.

     

    […]

     

                Les marins, avec l’aide des indigènes, ont fabriqué un navire de fortune. La moitié des survivants de l’Étoile du soir ont pris la décision de retourner à la civilisation pour ensuite revenir porter secours aux autres. Ils auraient été préférables que nous partions tous, mais certains étaient gravement blessés et ne pouvaient pas reprendre la mer. De plus, notre capitaine avait attrapé la fièvre et ne pouvait pas être transporté.

    Personnellement, je ne pouvais me résoudre à repartir. Cette île me fascinait. J’utilisais tout mon temps libre pour l’explorer. Notre camp se trouvait du côté de la plage qui cerclait la moitié de l’atoll. La seconde partie était bordée par une haute falaise blanche. Je n’y connaissais rien de pierre, mais à certains endroits, le sol s’était affaissé en d’immenses cratères que la mer avait envahis. Ces lieux, j’en comptais une dizaine, étaient simplement magiques ! On voyait les racines des arbres et des plantes grimpantes serpentaient le long des longues parois blanches. L’eau grignotait les pieds des falaises, formant de sublimes voutes au-dessus du liquide bleu azur. Parfois, une petite plage de sable fin émergeait au centre.

    Le bleu du ciel, le vert de la forêt, le blanc des falaises, puis l’azur de la mer et encore la blancheur : mes yeux s’émerveillaient à chaque fois que j’arrivais à l’un de ces étranges puits naturels.

    Pour être honnête, à l’époque, je me demandais si je souhaitais vraiment que de l’aide vienne nous récupérer. Avec des indigènes, j’avais construit ma propose hutte. Mon « chez moi » comme si je disais alors. J’avais aussi appris à pêcher tous les types de poissons qui fleuretaient dans le récif. Un jour, j’ai même assisté à une incroyable chasse à la baleine ! Les intrépides sauvages attaquaient ces énormes animaux avec de longs harpons de bois. À leurs risques et périls, ils plongeaient pour tuer les cétacés. Une fois la proie morte, ils trainaient la carcasse sur les récifs pour la dépecer.

    Quelques chasseurs m’avaient également enseigné leurs techniques de traques aux cochons sauvages et autres gibiers présents sur l’île. Très vite, j’eus le plaisir de confectionner mon propre arc. Mais la machette que j’avais récupérée dans l’épave de l’Étoile du soir, j’avais tout le nécessaire pour survivre. Bref, je menais une belle vie. Je m’occupais aussi du capitaine que les fièvres ne quittaient jamais. Ce dernier délirait très souvent. Mais quand il était conscient, je pouvais passer des heures à l’écouter parler des légendes et de superstitions de la mer et des océans. Il narrait aussi ses voyages, ses aventures. Ces récits étaient peut-être la seule chose qui me donnait envie de partir : moi aussi je voulais une vie aussi palpitante.

     

                Un jour que je longeais la falaise d’un des puits, j’aperçus quelqu’un sur une  bande de sable. De loin, on aurait dit une jeune femme. Je fus fort surpris car les indigènes ne venaient pas dans cette partie de l’île. De plus, je ne voyais pas comment une personne aurait pu descendre dans un de ces cratères. Personnellement, j’avais essayé de m’y rendre à plusieurs reprises, mais je n’avais pas découvert de point d’accès par les falaises. Par la mer, je n’y étais pas parvenu non plus.

    J’ai pensé dans un premier temps qu’une jeune indigène avait du glissé par mégarde dans le puits. Je me suis donc rapproché du bord pour la prévenir que j’allais prévenir les secours. J’ai dû m’y reprendre à plusieurs reprises pour qu’enfin elle m’entende. Mais au lieu de montrer des signes de joie, elle sauta dans l’eau. Je la vis sur une très longue distance avant de disparaitre sous les roches de la falaise. Je dois bien avouer ma surprise, car je ne pouvais pas imaginer qu’on puisse avoir autant de souffle. Il devait donc y avoir un passage entre le puits et la mer.

    En rentrant au camp, je parlais de cette étrange « rencontre » avec les autochtones –depuis notre arrivée, nous avons réussi à nous comprendre. Les hommes du village m’envoyèrent voir leur chef. Celle-ci écouta avec attention. Je n’ai pas tellement compris ce qu’elle me répondit, mais je devais éviter de m’approcher de ce qu’elle appelait « Tin-ki ». Je ne suis pas sûr de ce terme…il se rapproche du mot pour dire « raies » (les poissons). J’étais intrigué. Elle avait parlé de poisson, de raies, de jeunes filles, de l’océan…

     

                Pendant plusieurs jours, je suis retourné aux puits pour tenter de revoir mon étrange rencontre. Je me demandais si en fait, il n’y avait pas une seconde tribu sur l’île. Cela me paraissait possible à la vue de sa superficie. Mais mes visites furent infructueuses.

    Il me fallut deux révolutions de lunes avant de revoir cette étrange apparition. Encore une fois, cette jeune fille – s’il s’agissait bien d’une jeune fille — se trouvait sûr une petite plage au centre d’un des gouffres.

    Avec une longe vue que j’avais pu récupérer, je l’ai observé. Si j’avais bien en face de moi une « femme », je doutais très vite de son attribution à l’humanité. De loin et seulement avec mes yeux, je n’avais pas perçu ses traits anormaux. Pour commencer, sa peau était d’une étrange pâleur bleutée. Des algues –qui constituaient sa chevelure, mais je ne le saurai plus tard- se perdaient sur sa tête, comme si elle avait nagé dans une forêt sous-marine. Dans le prolongement de son dos, une sorte de queue – en cartilage, comme les raies- très fine reposait sur le sol. Je n’ai voyais pas plus lors de cette seconde rencontre. Mais son physique étrange ne s’arrêtait pas là. Ses mains, humaines, possédaient une sorte de sixième doigt, très très long. Cet appendice permettait de former des « ailes », à la manière des raies, qui allaient jusqu’à ses chevilles.

                Comme cette étrange créature, la Tin-Ki, revenait toujours dans le même puits, je pris la décision de fabriquer une corde pour descendre. Ces occupations me prenaient du temps. Tellement que je délaissais mon capitaine, toujours malade. Malgré cela, je pris la peine de lui narrer ce que je faisais. Ce dernier me mit en garde. Selon lui, cette « bestiole » pouvait être une sirène. Cette explication, bien qu’étrange dans cette partie du monde, pouvait expliquait pourquoi les indigènes n’allaient jamais de l’autre côté de l’île. Le terme de Tin-Ki était également un argument dans ce sens.   

    Il me fallut plusieurs jours avant de pouvoir atteindre le fond du puits. La première fois que j’y suis descendu, la créature n’était pas présente. L’eau était étrangement chaude, bien plus que celle de la l’océan. J’avais presque l’impression d’être dans un lac, malgré les ouvertures dans la falaise. Sur la plage, les traces de passages de la Tin-Ki étaient encore présentes. À ce moment-là, je me suis demandé comment j’allais faire pour l’approcher sans qu’elle ne me voie. Si je restais sur la plage, elle ne viendrait pas ; si je descendais pendait qu’elle se reposait, elle me verrait arriver.

     

    […]

     

    Après maintes tentatives, je suis enfin parvenu à approcher de l’étrange être. Cette dernière est d’une beauté envoutante. J’ai toujours en tête les mises en garde de mon capitaine qui parlait de sirène. Mais jamais aucun son n’est sorti de sa bouche.

     

    […]

     

    Nous avons mis du temps pour nous appréhender. Mais maintenant, elle ne me craint plus. Bien au contraire, dès qu’elle me voit descendre le long de la corde, Tin-Ki (c’est comme cela que je la nomme) vient à ma rencontre.

    Nous passons beaucoup de temps à ne rien faire, allongés sur la plage de sable blanc. Parfois nous nageons dans le puis. Mais jamais elle ne m’a invitée à passer du côté de l’océan. Je me questionne. Peut-être sait-elle que cela me sera fatal… Je ne sais pas. Cependant, j’aimerai aller vers les récifs, voir même au-delà…

     

    […]

     

    Avec Tin-Ki, nous avons franchi la barrière de corail qui encercle l’île. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir un cimetière de bateaux ! Jamais de toute ma vie, je n’ai vu autant d’épaves concentrées à un même endroit. C’était un spectacle fascinant ! Mais aussi terrifiant ! Comment ces navires sont-ils arrivés là ? Quand ? Et leur équipage ? Les autochtones ne pouvaient être des rescapés ! Sinon, nous nous serions compris.

    Entre les lames des coques éventrées, je parcours les épaves, avec compagnie de Tin-Ki. Ils ne restent traces de la vie, si active, qui animait jadis les ponts et autres mats. Les algues et les coquillages recouvrent, et dévorent, le bois qui subsiste. Les poissons et autres créatures sont les seules âmes qui animent encore ce lieu de mort. Mais à la différence des nécropoles terrestres, celle-ci est…sublime. Presque plaisante. 

    Après plusieurs plongées, je me suis aperçue que toutes les figues de proue ont disparu ! Pas une seule, même abimée ou fracturée, n’est présente. C’était comme si elle s’était…envolée. C’est étrange, car personnages de bois sont les protecteurs des marins. S’il a un bien une chose qu’il est presque impossible de dessouder d’un navire, ce sont bien ces belles dames ou musculeux hommes.

     

    […]

     

    Suis-je un idiot ou suis-je simplement aveugle ? Des blancs qui parlent une autre langue. Une créature proche des sirènes. Un cimetière de bateaux. Comment n’ai-je pas vu cela avant ! Sur l’épave de l’Étoile du soir : sa figure de proue a disparue !

    Tin-ki est LA figure de proue ! Et sur l’île les autochtones sont les anciennes figurent qui ont fini par vivre sur terre !       

     

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 27 Octobre 2011 à 12:00
    sympathique récit. J'ignorai qu'il y avait des figures de proues masculines
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