• Nouvelle : Le bon roi Louis

    Voilà donc une petite nouvelle (même pas quatre pages). Je vous préviens, c’est vraiment un petit texte médiocre, mais j’avais cette petite histoire en tête et j’avais hâte qu’elle me quitte (ceci dit, d’autres m’assaillent déjà).

     

    Elle m’a été inspirée par le dessin animé de Disney, « Le livre de la jungle ». En petit bonus, je vous mettrais le clip de « Être un homme comme vous » à la fin de cet article.

     

    Vous pouvez lire la nouvelle directement sur le blog ou télécharger la version PDF. Je vous invite à me laisser un petit commentaire (bon comme mauvais, argumenté si possible) à la suite de cet article.

     

    Bonne Lecture.

     


    Le bon roi Louis

    De Xian Moriarty

     

     

    Je voudrais devenir un homme ; ce serait merveilleux ; vivre pareil aux autres hommes ; loin des singes ennuyeux

     

                Les chants résonnaient dans le palais en ruine du roi Louis, le grand orang-outan. Cette ancienne cité humaine, en pierres grises et envahies par la végétation, était depuis très longtemps le domaine des primates.

    Les singes bondissaient sur les statues et les colonnes effondrées dans un simulacre de danse. L’ambiance était à la fête pour tous les vassaux du monarque. Mais le maître des lieux était maussade, comme bien souvent. Cela fait bien longtemps que les nombreuses parades ne le distrayaient plus. Il rêvait du monde des Hommes. Ah qu’il aimerait vivre parmi ces êtres qui maitrisaient le feu. Il songeait au pouvoir que ces derniers avaient sur la Nature et ses enfants. Avec une telle arme, il pourrait prendre le contrôle de toute la jungle… Même le grand Shere Khan, le tigre boiteux, ne pourrait rivaliser avec lui.

    Las, Louis laissa les primates à leur farandole. Installé sur une énorme tête grise couchée au sol, à la lisère de son royaume, il implora encore son dieu, Hanumân, de lui accorder son plus cher désir : devenir un humain. Tous les jours depuis des années, il priait. Il priait pour qu’enfin son rêve s’accomplisse.

    Fatigué des lamentations de son sujet ou sensible aux suppliques de ce dernier, Hanumân se présenta face à Louis.

    — Roi des singes, veux-tu vraiment perdre ta condition de bête pour celle d’homme ? Et ce, pour le meilleur, comme pour le pire ?

    — Doux dieu, oui. Je suis prêt à perdre mon royaume et mes sujets pour cette nouvelle vie !

    — As-tu seulement conscience des malheurs qui se présenteront sur ton chemin ?

    — Debout sur mes deux jambes, les mains libres et avec la maitrise du feu, nul ennui ne pourra m’atteindre.

    Hanumân ne discuta pas. D’un geste de la main, il changea l’orang-outan en un homme à la peau mate des gens de ce pays, mais lui laissa ses poils roux. La première expérience inédite de Louis dans ce nouveau corps fut celle de pleurer de bonheur.

     

                Marchant à vive allure, Louis chantonnait. Sa voix était vraie, ce n’est plus une pâle imitation de celle d’un humain. La joie est revenue sur ce visage qui fut trop longtemps fermé. Cependant, il a l’impression de se déplacer bien moins vite qu’avant. Mais peu importe, Hanumân – qu’il soit loué – l’avait mis en garde : il y aurait des inconvénients.

    Les animaux de jungle le regardaient étrangement. La rumeur qui disait que le roi orang-outan était désormais un homme s’était répandue comme une trainée de poudre. Certains singes tentèrent de faire revenir leur monarque à la cité en ruine, mais ils n’y parvinrent pas. Une barrière infranchissable les séparait : le langage.

     

    Enfin, il arriva à ce lieu dont il avait si souvent rêvé : un village. À la lisière de la forêt, la zone d’habitation était entourée de champs pour les cultures et de pâturage pour les bestiaux. Des hommes et des femmes s’affairaient à diverses activités.

     Le torse bombé, il passa avec fierté la haute palissade de bois. Jamais aucune bête sauvage vivante n’était entrée dans ce lieu craint et convoité. Au milieu de la place, il souriait de toutes ses dents face aux habitants. Ces derniers le regardaient d’un air étrange. Une incompréhension s’installa. Louis pensa être admiré : il est grand, bien bâti avec une musculature digne du singe qu’il ait été et arbore une belle toison rousse. Mais la réalité est tout autre. Les villageois se demandaient qui est cet homme à l’allure étrange et qui souriait bêtement.

    Sans prêter la moindre attention à ceux qu’il considère comme ses futurs sujets, il alla vers une femme qui tenait un panier de fruits. Dans un premier temps, Louis essaya de communiquer avec elle, sans succès. S’il avait désormais une voie, il ignorait comment s’en servir. Il ne fit que barguigner des sons. La villageoise manifesta son incompréhension en demandant de l’aide. Mais toutes les tentatives furent vaines. L’ancien roi fut contrarié. Lui, il n’avait aucun problème à comprendre les dires de ses interlocuteurs. Tant pis.

    Louis parcourut le village sous les regards intrigués. Il entrait sans permission dans les maisonnettes de bois, regardait comment elles étaient conçues, organisées. Sa longue exploration lui ouvrit l’appétit. Il retourna vers la femme aux fruits. Il se servit. La propriétaire se plaignit. Louis s’en étonna. Aucun singe ne s’était jamais comporté ainsi. Des hommes vinrent soutenir la fermière. L’ancien orang-outan ne comprit pas ce que lui racontaient les villageois.

    — Argent… argent, répétèrent-ils tous en montrant un petit bout de métal.

    Louis se saisit de la piécette pour l’observer. Jamais il n’avait vu de telle chose, même dans sa cité en ruine. Il essaya de mordre l’objet, mais c’était dur et avec un gout étrange. Cela ne se mangeait pas.

    Son geste de voleur provoqua une émeute. Les gens le battirent, le molestèrent avant de le chasser du village. Face à ce comportement agressif, l’ancien roi tenta de se rebeller, mais il n’avait pas assez de force pour repousser ses assaillants. Une fois hors des murs, des femmes et des enfants lui lancèrent des pierres pour l’éloigner.

                Louis resta prostré hors de la palissade, réfléchissant sur ce qui venait de se passer. Pourquoi avait-il été battu et expulsé de cette manière ? Il n’avait rien fait de mal ! Peut-être qu’il n’aurait pas dû prendre cet objet. Il attendit dehors un long moment.

     

                La nuit tomba. Tous les habitants avaient rejoint la sécurité de l’enceinte. À peine vêtu, Louis commença à sentir une sensation qu’il n’avait jamais ressentie auparavant : le froid. Il regagna le village, la tête basse. Sa triste condition dut faire pitié, car on accepta qu’il entre malgré tout. S’il restait dehors, il risquait de se faire dévorer par les fauves de la jungle. Louis, lui, n’avait pas conscience de ces dangers, car jamais aucune bête n’avait osé le défier.

    Des brasiers ont été allumés à plusieurs endroits, les gens y sont rassemblés. Le retour de cet étrange personnage suscita la méfiance, mais personne ne dit rien. On lui donna même une petite portion de riz. Ce que l’ancien roi trouva plutôt mauvais.

    Le feu ! Louis regardait les flammes danser. Il était à la fois admiratif et craintif. Dans la nature, cette lueur orange était synonyme de mort et de destruction. Les Hommes avaient réussi à dompter cette force et à en faire leur arme. Louis voulait plus que tout apprendre à maitriser cette puissance. Il tenta de se faire comprendre de ses compagnons, mais ces derniers lui témoignèrent de l’agacement. Demain peut-être.

     

                Les jours passèrent et Louis sentit son entrain disparaitre. Les habitants ne le laissèrent pas approcher des provisions. Pourtant, Louis  avait faim. Il ne comprenait toujours pas pourquoi on lui refusait des aliments. Il tenta de s’en emparer par la force, mais il fut encore une fois chassé. Certains hommes le menèrent dans les champs. Ils tentèrent en vain de lui expliquer que s’il voulait manger, il devait aider. Mais Louis se sentit vite fatigué des tâches qu’on lui confiait. Pourquoi devait-il donc faire cela ? C’était fatigant !

    Il ne parvint pas non plus à saisir le secret des flammes. Pourtant, tous les soirs, il voyait les villageois allumer cette belle fleur rouge. Il tenta de les imiter, mais ses résultats furent vains.

     

    Sa frustration était immense. Jamais il n’avait pu imaginer que les choses se passeraient aussi mal. Il en vint à regretter sa vie dans ses ruines, en compagnie de ses anciens sujets les singes. Peut-être avait-il un peu trop rêvé ce monde.

    Triste et déçu, il finit par reprendre le chemin de la jungle. Il était temps pour lui de rejoindre son domaine. Son plus grand regret aura été de ne pas avoir pu apprendre à faire du feu. Il aurait alors été le plus grand des seigneurs de la forêt.

     

    Les singes sont des créatures bruyantes. C’est pour cela qu’il trouva étrange que sa cité fût si silencieuse quand il arriva à ses abords. Ses sujets seraient-ils partis ?

    Non. Ils étaient bien là, mais terrer en haut des murs et des statues. Ils tremblaient de peur. Louis fut surpris de pouvoir de nouveau comprendre le langage des singes. Peut-être que son retour lui faisait perdre ces capacités d’humains. Pourtant, il en avait gardé le physique. Hanumân voulait probablement qu’il soit raillé, car il était bien laid en humain, surtout pour aux yeux de ses congénères.

    En l’absence du roi, un autre monarque de la jungle était venu réclamer le trône de l’ancien royaume de Louis. Shere Khan, le grand tigre mangeur d’homme, avait revendiqué cette partie de la forêt. Aucun animal n’avait osé lui contester sa place. Pourtant, il était boiteux.

    Le félin n’avait jamais ambitionné ce territoire auparavant, car il savait le roi Louis assez puissant pour le soumettre.

    Shere Khan vit son rival, sous sa forme humaine, se présenter à lui. Il rit tout son souffle. Où était donc passé le fier singe de son souvenir ? Confortablement allongé sur une immense sculpture mise à bas par le temps, le nouveau maitre des lieux regardait le singe homme d’un air méprisant.

    — Alors, Louis, comment s’est passé ton séjour chez les hommes ? se moqua le tigre.   

    — Quitte immédiatement cette place ! Elle ne t’appartient pas !

    — J’y règne à ma guise depuis le jour où Hanumân a réalisé ton vœu le plus cher. Maintenant, si tu veux la reprendre, il te faudra me la disputer.

    Le combat des deux rois ne fut guère long. D’un seul bon, Shere Khan mit son adversaire à terre sans que ce dernier ne puisse rien faire. Louis avait été si lent qu’il n’en revint pas. Autrefois, il aurait esquivé avec agilité n’importe quel assaut du félin.

    — Tu n’es qu’un pauvre fou Louis ! Regarde-toi ! Amaigri faute d’avoir mangé à ta faim ! Les lois de la jungle sont moins cruelles que celle des hommes. Autrefois, tu aurais pu étrangler un humain à mains nues sans le moindre effort ! Tu aurais pu te saisir de mon corps massif comme si je n’avais été rien d’autre qu’un chaton. Mais non, tu voulais absolument devenir un humain. Ces êtres sont faibles. Seul et désarmé, un homme est encore plus fragile qu’un faon. C’est pour cela qu’ils te craignaient, qu’ils me craignaient ! Hanumân t’avait prédit le pire, je suis le pire.

                Et sans autre parole, le tigre plongea ses crocs dans la gorge de Louis.

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  • Commentaires

    1
    Samedi 6 Juillet 2013 à 12:00
    Histoire très sympathique !
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