• Le Gardien

    Encore une fois, je me suis lancée dans l'écriture de nouvelle fantastique. Ce court texte m'a été inspiré par un rêve (cauchemar ?) que j'ai fais il y a quelque jour. Pour mon plus grand regret, c'est toute une idée d'histoire qui est en train de se monter...Je ne sais pas si j'aurai le temps de l'écrire un jour...peut-être que j'aurai tout oublié d'ici là....

     


    Le Gardien

     

                Dans toutes les histoires que sa mère lui avait contées, les drames et les pires horreurs arrivaient la nuit, pendant un orage. Mais les récits, ce n’est pas la réalité. Isabeau avait toujours cru que ces sombres décors n’étaient là que pour effrayer les enfants. Enfin, jusqu’à ce jour…

     

    Les choses avaient changé ces derniers temps sur les terres du Seigneur Bald de Halheim, son père. Les gens vivaient bien, même s’ils n’avaient jamais montré trop d’affection pour leur maitre. Les rumeurs de sorcellerie qui pullulaient autour de la famille effrayaient la populace. Mais heureusement, les récoltes étaient bonnes, aucune maladie ne ravageait les campagnes et aucune guerre n’avait pénétré sur les terres de Halheim. Alors le peuple servait correctement leur seigneur.

    Le territoire était longtemps resté païen. En ce temps-là, les premiers maitres de Halheim voyaient d’un mauvais œil la nouvelle religion. Fondamentalement, ces derniers n’avaient rien contre d’autres croyances que la leur. Mais ils supportaient mal que les prêtres du Dieu unique attaquent les dieux anciens. La transition mit longtemps à se faire, et non sans mal. Cette conversion lente alimentait les commérages. Depuis, les ragots avaient perduré, la famille des Halheim aussi.

    Isabeau était la première et dernière fille, âgée d’à peu près d’une quinzaine d’années. Comme ses cinq frères avant elle, sa mère l’avait nourri de contes et d’histoires. Parmi celles-ci, il y avait les exploits de ses ancêtres. Mais aussi des récits de monstres protecteurs, de chevaliers félons, de prêtres obscènes et de créatures maléfiques.

                Mais depuis quelque temps, des choses terribles se produisaient. De nombreux jeunes enfants étaient morts. Le froid était tombé plus vite que d’habitude sur la région. La saison chaude avait pourtant été des plus merveilleuses. En plus de cela, de nombreux oiseaux tombaient du ciel, sans vie. Suite à cela, les rumeurs de sorcelleries s’étaient amplifiées. Quand un des membres de la famille Halheim sortait du château, les petites gens parlaient dans leur dos, certains se signaient. On accusait le chef de famille d’avoir renié sa religion pour adorer les dieux anciens. Même le prête de la paroisse ne savait plus quoi penser. Bald avait toujours pris soin de lui, ainsi que de son prédécesseur, ainsi que de l’église. Jamais on ne l’avait entendu blasphémer, jamais il n’avait été vu porté de l’intérêt pour les choses païennes. La seule chose que le prête pouvait lui reprocher, c’était les histoires de sa femme. Mais comme son mari, peu de choses pouvaient lui être reprochées. Étrangement, on ne disait pas un mot sur les enfants, à l’exception d’Isabeau. En effet, cette dernière n’avait pas été gâtée à la naissance. Une large tache de vin balayait son visage. Elle englobait la moitié de sa lèvre inférieure et de son menton du côté gauche. En plus, de nombreuses mèches de sa chevelure étaient blanches, spectre dans une tignasse couleur nuit. On disait qu’elle était sorcière, fille du diable ou encore en tas d’idiotie dans ce genre. Ses parents l’avaient toujours hardiment défendu. Le curé aussi.

    Malheureusement, les sombres événements qui endeuillaient les terres des Halheim faisaient ressortir ses ragots. Son père Bald ne semblait guère attentif à ces on-dit. Il craignait autre chose. Une menace politique ?

    D’étranges chevaliers, au tabar blanc orné d’une croix rouge, étaient venus au domaine. Pendant longtemps, loin des oreilles de la maitresse des lieux et de ces enfants, ils parlèrent. Par moment, des cris avaient retenti dans les couloirs. Quand Isabeau les avait vus quitter le château, elle avait eu un mauvais pressentiment. Son père avait été d’une humeur massacrante ce soir-là. Mais il ne dit rien de la conversation qu’il avait eue avec ses invités.

     

                Comme dans les contes de sa mère, cette nuit-là, l’orage grondait. Le vent soufflait à déraciner un arbre, la pluie s’abattait telles des lames, découpant les feuilles, le tonnerre faisait vibré le sol et les éclaires illuminaient le ciel.

    Isabeau courait de toutes ses forces. Son cœur battait profondément dans sa poitrine. Il frappait si fort qu’elle ne craignait qu’il ne lui transperce la poitrine. Son corps était chaud à l’intérieur, à cause de l’effort physique, à l’extérieur, il était gelé par la pluie. La jeune fille ne parvenait plus à faire la distinction entre les gouttes de sueurs qui perlaient sur son front les gouttes d’eau. Sa chevelure brune et blanche collait à son front, sa robe également. De la vapeur sortait de sa bouche en gros nuages. Chaque respiration était un vrai supplice, ses poumons brulants ne supportaient pas l’air froid.

    Les pieds gelés, les jambes pleines de boue, Isabeau cavalait en direction de l’église. C’est là que sa mère lui avait ordonné de se rendre.

                Alors que toute la famille festoyait ensemble, les chevaliers vêtus de blanc et de rouge étaient revenus. Les serfs leur avaient ouvert les portes du château. Les hommes armés avaient donc pu entrer à leur aise. Sans perdre de temps, ils s’étaient rendus dans la salle à manger pour y trouver les Halheim dans le but de les éliminer. Heureusement, seigneur Bald et ses fils ne quittaient jamais leurs épées. Cela permit à sa mère et sa fille de prendre la fuite. La dame conduit sa fille vers les murailles, dans les écuries. Là, elle poussa une pierre et tout un pan du mur bougea. Mais avant qu’elles ne puissent y pénétrer, des soldats entrèrent dans l’abri. La mère poussa alors son enfant dans le passage puis enclencha le mécanisme de fermeture.

    « Rappelle-toi l’histoire du monstre protecteur, tout est vrai ! Tout est vrai !! » cria dame Halheim avant que le mur ne se referme derrière elle. Isabeau hurla pendant de longues secondes avant de reprendre un peu ses esprits. Elle repensa alors aux derniers mots de sa mère. Bien qu’elle ne put comprendre comment cette histoire puisse être vraie, elle décida tout de même de suivre les consignes. Isabeau ne savoir pas quoi faire d’autre de toute manière.

                L’église ne devait plus être très loin. Elle l’espérait. Sa poitrine lui faisait atrocement mal, ses jambes aussi. Puis elle avait si froid. Son esprit essayait de se concentrer sur le conte de sa mère. Elle ne voulait pas penser à ce qui se passait dans sa demeure. Ce que des chevaliers pouvaient faire à son père, sa mère et ses frères. Dieu les protège se répétait-elle.

    Enfin, le village fut en vue, puis l’édifice religieux. Sans perdre une minute, elle s’y précipita. La jeune femme ne remarqua pas que les demeures étaient vides, qu’aucune fumée ne sortait des cheminées.  

    C’est avec la force du désespoir qu’elle poussa la double porte de l’église. Les pans de bois grincèrent dans un bruit strident.  

                À l’intérieur, tout le village était réuni. Le prête célébrait une bien étrange messe, à une heure bien inhabituelle. Tout le monde la regarda. Ils se signèrent tous, comme s’ils avaient tous vu un fantôme. Isabeau ne comprit pas qu’ils savaient tous que les chevaliers allaient venir cette nuit pour détruire la famille des Halheim. Pour se protéger du danger, ils s’étaient tous réunis ici. Ils craignaient les mauvais sorts que leurs seigneurs pourraient lancer sur eux en guise de vengeance.

    Isabeau entra dans la nef, laissant derrière elle une longue trainée d’eau. Elle goutait de partout. Son corps tremblait de froid et de peur. Ses pas étaient incertains, elle titubait. Sa respiration était haletante, bruyante. Elle ne fit pas attention aux yeux qui la regardaient. Son but ? Atteindre l’autel. Elle récitait l’histoire de sa mère. « Dans la vieille église de pierre, il y avait un autel… » alors Isabeau marchait vers l’immense meuble de pierre qui trônait à l’intersection de la nef et du petit transept. Le prêtre se trouvait juste devant, une ostie et un calice la main. Ses yeux exorbités observaient la jeune femme qui venait dans sa direction. Une peur panique se dessinait sur le visage d’Isabeau. Sa famille. Elle devait sauver sa famille. Elle ignorait en quoi le récit de sa mère l’aiderait, mais sa perte de repère était totale. La peur ne lui permettait pas de résonner correctement. Le curé s’écarta de son chemin. Il récitait des prières, car il croyait, il en était convaincu, que cette fille était vraiment une sorcière. Sa tache de vin semblait encore plus rouge que la normale et les mèches blanches qui collaient à son visage la rendaient effrayante. L’expression de son visage lui donnait l’air d’une folle en pleine crise d’hystérie.

    Quand elle fut devant l’autel, Isabeau dégagea tout d’un revers de main, soulevant des cris scandalisés dans l’auditoire. Mais elle ne semblait pas les entendre. Puis elle vira la toile de lin qui recouvrait le meuble. Ses mains tâtèrent la pierre quelques minutes comme si la jeune femme voulait être sûre que ce qu’elle avait devant les yeux était bien réel. La peur et le froid la faisaient trembler. Puis, à la surprise de tous, elle tenta de pousser l’autel. Rien ne bougea. Désespérée par cet échec, elle se récita frénétiquement le conte. Sa nouvelle tentative fut fructueuse. Ce n’était pas le meuble en lui-même qu’il fallait déplacer, mais seulement la partie supérieure. La table. Dans un bruit de pierre que l’on frotte, la partie supérieure de l’autel bougea, laissant apparaitre une cavité. « … la table de l’autel fut poussée pour voir apparaitre un espace… »

                Ce que vit Isabeau lui donna envie de vomir. Son ventre se noua. Sa gorge irritée par sa course folle la brulait. Elle fut prise d’un hoquet à cause de la peur et du dégout.

    L’autel n’était rien d’autre qu’un sarcophage. Dans le fond, recroquevillé sur lui-même, reposait un corps. Il avait un aspect horrible. Sa peau noire était complètement desséchée, si c’était bien de la peau qui couvrait cette carcasse. On aurait plutôt dit un mélange entre des écailles, des plumes – pour les membres supérieurs — et de chairs brulées. Ses mains étaient pourvues de longues griffes tout aussi noires que le reste de son corps. Mais le pire de tout était sa tête. Sa face présentait un long nez rabougri, des yeux vides, une mâchoire complètement déformée. En guise de cheveux, il avait de longues plumes et du duvet. La jeune femme ne remarqua pas qu’il ne dégageait aucune odeur de mort. « … Là, tu y trouveras un être hideux que bon nombre de personnes auraient nommé démon… »

    C’est ça ? C’est cela ce que sa mère voulait qu’elle trouve ? Un immonde cadavre enfermé dans un autel depuis Dieu seul sait quand. Comment ce… cet… cette bête pouvait bien venir en être à sa famille ?

    Penchez sur la momie, elle continuait de haleter, épuisée par la course. Des gouttes d’eau continuaient à perler le long de l’ensemble de son corps. Des larmes coulaient sur ses joues, mais elle ne s’en rendait pas compte. De nombreux sentiments se bousculaient dans sa tête : peur, dégout, tristesse, panique.

                Une fois encore, elle se remémora l’histoire. Mais ce dont elle se souvenait était si horrible qu’elle ne pouvait concevoir de le faire. Pourtant, son corps et sa conscience ne semblaient plus fonctionner ensemble. Isabeau saisit le petit couteau –cadeau de son père, qu’elle avait à la ceinture. Au même moment, les chevaliers aux tabards blancs entrèrent dans l’église dans un fracas de fer et d’acier.

    Les gens crièrent en les voyant entrer. Le prêtre s’offusqua qu’ils pénètrent aussi armés dans la maison de Dieu. Mais personne n’osa s’opposer à eux. D’ailleurs, aucune âme ne songea un seul instant à quitter les lieux, effrayée par ces soldats.  

    Isabeau se retourna en entendant les claquements de leurs armures. Elle fut prise d’une crise de panique. Il venait pour la tuer. Mais elle ne voulait pas mourir. Non, elle voulait vive. D’un coup sec, elle se trancha la main puis en barbouilla, en dégout, la mâchoire du cadavre. « … et du sang versé sur les lèvres permettra de quérir son aide… »

                La jeune fille eut à peine le temps de verser quelques gouttes sur l’être infâme qu’un chevalier la saisit par la chevelure. Sans ménagement, il la traina en dehors de l’église. Isabeau hurlait de douleur et de peur. Elle se débattit comme un animal sauvage pour tenter de se libérer, mais elle n’y parvint pas. La peur déformait les traits de son visage.

    Une fois sur le parvis, son tortionnaire la jeta sans ménagement dans la boue. La pluie continuait de tomber tambour battant. Une grande quantité d’eau et de terre vinrent emplir la bouche d’Isabeau qui manqua de s’étouffer. L’eau froide gelait l’ensemble du corps de la jeune fille.

    Quand la fuyarde releva la tête, une demi-douzaine d’hommes l’encerclait, la main sur le pommeau de leur épée. De peur, elle recula à quatre pattes. Mais elle heurta un chevalier qui se trouvait derrière elle. Elle s’en éloigna, toujours en rampant, avant de se relever. Son corps était complètement gelé. Pour se réchauffer, elle s’enserra dans ses propres bras, mais cela ne servit à rien. La pluie qui continuait de tomber et avec elle, le froid.

    Le chevalier qui l’avait trainé hors de l’édifice sortit son épée. Il avait la ferme attention de finir le travail pour lequel il avait été envoyé ici. Sa mission, et celle de ces compagnons étaient de détruire la famille de sorcier Halheim. Seule la petite dernière leur avait échappé. De tous les membres de la famille, Isabeau devait être celle qui ne devait surtout pas être épargnée. Elle était la plus diabolique avec sa tache de vin et ses cheveux blancs. Nul doute que sa naissance résultait d’un sortilège de magie noire ou d’un pacte avec le Malin.  

     

                Pour Isabeau, c’était la fin. Tombée à genoux, elle tremblait de tout son être. Complètement tétanisée, en larme, elle était immobile sur le sol, à attendre que son bourreau la frappe. En fin de compte, c’était peut-être mieux ainsi. Elle allait retrouver ses parents et ses frères.

    Finis les histoires de sa mère. C’est probablement une crise de folie qui avait poussé sa mère à lui faire croire qu’un cadavre dans un autel-sarcophage pourrait lui venir en aide. Et comment avait-elle pu y croire ? Maintenant, elle attendait gentiment la mort. Elle n’espérait même pas à une vie après la mort.

    Le visage tourné vers le sol, Isabeau ne put voir ce qui lui sauva la vie.

     

                Le tonnerre grondait. Ce bruit fracassant, avec l’aide de la pluie, masquait les hurlements qui provenaient de l’intérieur de l’église. Si le temps avait été clair et calme, les cris auraient mis en émoi tout le village tant ils étaient épouvantables. Les chevaliers, à l’extérieur, n’entendirent rien. Ils ne virent rien non plus, car tous avaient les yeux rivés sur leur victime. Si l’un d’eux avait pris la peine de lever le nez, il aurait vu le carnage dont l’église était la scène.      

    À quelques pas de sa victime, le chevalier qui avait sorti son épée s’apprêtait à planter sa lame dans la nuque d’Isabeau. Mais il ne put effectuer son geste. De longues griffes noires, épouvantablement aiguisées, transpercèrent l’homme de part en part, dans une immense giclure de sang. Des gouttes vinrent se poser sur le visage tétanisé de la jeune fille qui ne réagit pas au contact de la chaleur.

    Face à cette ombre qui venait de terrasser leur camarade, les autres chevaliers dégainèrent leurs armes puis se jetèrent sur leur ennemi. Mais la chose se mouvait à une vitesse prodigieuse, esquivant les coups avec une facilité déconcertante. Certains pensèrent le toucher, mais à chaque fois, leur lame sembla ricocher sur la peau noirâtre.   

     Il ne fallut pas longtemps à l’ombre pour réduire en morceaux tout les chevaliers. Aucun d’entre eux ne gisait entier sur le sol, un mélange de boue et de sang. Avec ses griffes, la chose les avait démembrés. Des morceaux de bras, de jambes et des corps s’étalaient partout autour de la jeune fille.

    .

                Le fracas n’avait pas cessé. L’orage rugissait toujours.

    Malgré l’épouvantable combat qui avait eu lieu autour d’elle, Isabeau n’avait pas bougé. Le regard dans le vide, elle semblait continuer d’attendre la mort. Elle ne s’était pas rendu compte que tous les hommes qui lui voulaient du mal ne fussent plus que des lambeaux de chairs froides.

    La chose qui avait tout massacré autour d’elle. À présent, elle tournait, comme un loup qui rôde autour de sa proie, auteur de la demoiselle. La jeune fille ne voyait que ses pattes, griffues elles aussi, presque semblables à celle de volatiles, tels les corbeaux. Le petit jeu dura un moment.

    Toujours tétanisée, Isabeau n’osa pas lever les yeux quand elle sentit le nez, tel un bec d’oiseau, se rapprocher de son visage. Elle avait peur. Mais elle avait encore plus peur de voir ce qui se tenait devant elle. Son esprit savait pourtant à quoi s’attendre. « …le sang qui tu lui auras offert le fera revenir de l’autre monde… »

    Isabeau savait. Son sang avait permis à cette chose de regagner ce monde-ci. Un démon des temps anciens…

    Le souffle chaud du monstre fouettait son visage. Les vapeurs qu’ils créaient se mêlaient. Des dents tout aussi noires que le reste de son être souriaient. Elles étaient pointues comme des pointes de flèches. Un petit rire amusé sortit d’entre les gencives.

    « Alors, jeune fille, qu’est-ce que cela fait de flirter avec la Mort ? » demanda une voix grave gutturale.

    Incapable de répondre tant elle avait peur, Isabeau continua de regarder le sol. Son corps refusait de lui obéir. Elle voulait mourir. Pourquoi ce monstre ne la tuait-il pas ? Surement que ce montre était un sadique, qu’il se délectait de la frayeur qu’il provoquait.

                Face à ce bloc immobile, les deux grosses mains griffues saisirent les épaules de la jeune fille et la soulevèrent. Dans l’élan, la tête de la demoiselle se releva. Elle vit alors celui qu’elle avait en face d’elle. Son cœur, malmené depuis le début de la soirée, se serra dans sa poitrine. Sa respiration se coupa.

    C’était le visage sombre, mort, qui s’était trouvé dans le sarcophage. Revenu à la vie, il avait pris une forme moins effrayante, bien qu’il offrait encore un horrible spectacle. Son long nez avait repris du volume. Il était anormalement long et ressemblait à un bec de corbeau. Sa peau était ridée comme celle d’un grand brulé avec des sortes de plaques écailleuses. Deux larges yeux noirs, profonds, reflétaient une lueur rouge étrange.

    Quand leurs regards se croisèrent, l’être eut de nouveau un large sourire. Il posa délicatement les pieds d’Isabeau sur le sol. Cependant, elle n’avait plus de force dans ses jambes. Quand il la lâcha, elle se vautra. Mais ces yeux ne se détachaient plus de la créature.

                Le monstre s’agenouilla devant Isabeau, comme s’il attendait d’être adoubé, la tête basse. Puis il ne bougea plus.

    La jeune fille mit un moment à sortir de son état de tétanie. Sa respiration se fit haletante, saccadée. Les larmes se mirent à couler en même temps qu’elle se mit à pleurer. Pendant de longues minutes, elle hurla de tout son être. Ces cris venaient du fond de son estomac. Elle extériorisait sa peur, sa tristesse. Il lui fallut de nombreuses minutes avant de reprendre un peu ses esprits. L’être était toujours là immobile. Quand enfin elle put reprendre sa respiration, Isabeau put enfin parler.

    « _Qui est… qui êtes-vous ? Réussit-elle à dire entre deux crises de larmes.

    _Je suis un être de conte. Je suis celui qu’on a craint et redouté. Je suis celui par qui les rois et les princes ont gagné des batailles bien avant l’avènement du dieu unique. Je suis celui qu’on retrouve sur les champs de bataille. Je suis le compagnon des Morrigan, je suis le père des yeux du Père d’Asgard. Mais je suis aussi le protecteur de celui qui m’offre sa vie. Je suis Corvus Corax Coronis et l’on me nomme Hraefn. Je suis le démon protecteur. Je suis ton gardien. »

        

     

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