• "Challenge de Saison" de Caliope

    Caliope a proposé un challenge de saison auteur de l'automne. Voila donc ma participation.

     


    Sortie d’automne

     

                Aujourd’hui il fait beau. Aujourd’hui c’est jour de sortie.

    Mais je suis contre ! Il n’est pas bien. Depuis plusieurs jours, je l’entends tousser. Il crache constamment ses poumons. Sa pipe ne doit pas l’aider. D’ailleurs elle aussi a senti qu’il n’était plus comment avant. Un jour où il l’avait posé près de moi, elle me confia qu’il ne tirait plus les fumées de tabac comme autrefois, comme la première fois où il l’avait mis dans sa bouche.

    Sa santé est chancelante. J’en suis convaincu. Quand il me prend dans sa main, je le sens qui tremble. Ses lignes ne sont plus aussi sûres quand il dessine. Ses touches de peintures ont perdu de leur précision. Il tremble. Les autres pinceaux et les tubes de peinture le ressentent aussi.

     

                Aujourd’hui, c’est l’automne, c’est jour de sortie.

    Ha ! L’automne. Sa saison préférée ! Pendant cette courte période où le froid et les feuilles tombent, il dessine ses plus belles toiles ! Il aime les nuances de marron, d’orange, de jaune et de vert qui s’entremêlent.

    Il prend son chevalet, son sac avec ses tubes de peintre, ses pinceaux, ses palettes, et des toiles et sort.

    Mais pourquoi personne ne veille sur lui ? Quand il est en ville pour vendre, il y a toujours des jeunes demoiselles pour se pavaner auprès de lui. A mon avis, elles tentent de se faire bien voir de lui pour, un jour, avoir accès à ses revenus. Quand il quitte le tumulte des salons parisiens pour revenir ici, dans l’atelier, une petite maison de campagne au milieu de nul part, personne ne le suit ! Ha ! Pourquoi aucunes infirmières ou médecins ne se déplacent jusqu’ici ? Je me fais du souci.

                Le froid commence à s’installer. Nul besoin de chaud manteau pour sortir. Une bonne écharpe et un bon galurin suffisent. Je sais en plus qu’il affectionne d’avoir les joues fraiches. Un fois, je l’avais entendu dire qu’il aimait la douce caresse de la fraicheur de l’air sur son visage.

    Dehors, les lierres sur les murs sont, encore et toujours, verts. Ces derniers ne changent jamais. Tout comme l’herbe qui borde les sentiers qui se dispersent non loin de l’atelier. Les arbres laissent tomber leurs feuilles marron et jaunes. Seules celles vertes et jaunes tiennent encore. Mais elles rejoindront un jour leurs sœurs. Ce parterre de couleurs semble être le reflet de ce qui se passe dans les ramures, sur les plus hautes branches. Cet effet miroir lui plait énormément.

     

                Aujourd’hui le temps passe, c’est jour de sortie.

    Installé dans un pré au milieu de nul par, il a posé son chevalet. Le pauvre, même assis, il respire mal. La promenade l’a fatigué. Tout le long du chemin, il n’a cessé de tousser. J’aurai voulu qu’il rebrousse chemin, qu’il rentre à la maison, mais il est entêté ! Il va lui arriver malheur…

    Face à sa toile, il réfléchit, regarde le paysage devant. Pourquoi ne peint-il pas encore ? La lumière peut-être. La journée n’est peut-être pas assez avancée à son gout. Le soleil ne projette pas encore ses auréoles jaunâtres à l’horizon. Les nuances ne sont pas assez bonnes puis lui.

    Il se décide enfin. Il prend un crayon. Il trace les premières lignes sur le blanc de la toile vierge. La cime des arbres, les mouvements des collines qui nous entourent. Rien de plus. Cela semble l’ennuyer. Il tire sa pire, la fourre de tabac et commence à fumer, malgré sa toux. Idiot ! Je suis sûr que ta santé chancelle à cause de cela ! Ha chaque inhalation, il crache plus qu’il aspire de fumée.

     

                Aujourd’hui le soleil se couche, c’est jour de sortie.

    Enfin, il me saisit. Il va peindre ! La lumière diminue en même temps que l’astre céleste descend vers l’horizon. Cela lui plait ! Des crottes de peinture se battent en duels sur sa palette. Pff les couleurs je vous jure ! Elles passent leurs temps à se plaindre ! Elles n’aiment pas quand il les mélange. Comment pourrait-il faire autrement pour aller du blanc ivoire au marron le plus sombre. Certaines n’ont pas à se plaindre ! Les bleus par exemple, il les utilise très peu.

    Mon sort est bien moins enviable. Il trempe mes cheveux dans les couleurs, dans l’eau. Il m’écrase pour déposer les nuances sur son support.

    Il commence par peindre le ciel, puis les arbres, avant de revenir au ciel. Ha qu’il peut être brouillon. Il peint un peu dans un coin, après dans un autre…Je crois que c’est cela qui lui permet de faire ses plus belles toiles.

                Ses mains tremblent. Aurait-il froid ? J’espère que non. Et puis il tousse toujours. Il colore lentement son œuvre, petite touche par petite touche. Sa main tremble. Il fatigue. Je le sens dans ses mouvements, pourtant il ne s’est mis à travailler il y a peine une heure…Il se fait surement vieux…

     

                Aujourd’hui, il fait nuit…et c’est toujours jour de sortie.

    A l’aide ! Pourquoi n’y a-t-il personne !?! Ce n’est pas juste. Et je ne peux rien faire ! Ni moi, ni mes camarades, ni les tubes, ni personnes…

    Il avait finis sa toile. Il était heureux : un sourire aux lèvres, sa pipe au bec, son pinceau à la main. Soudain, il prit une quinte de toux bien plus violente que les autres. Il s’effondra alors que le soleil disparaissait derrière les collines.

     

                Aujourd’hui c’est l’automne et la sortie est finie…

     

     

     

     

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 21 Octobre 2010 à 12:00
    Bonsoir ! J'aime beaucoup ton texte. Il est bien écrit, triste et nostalgique, de plus, je n'avais pas deviné qu'il s'agissait du pinceau. Bravo ! Bonne soirée. Lina
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